Analyse d’images : les nouveaux usages de la vidéoprotection
La mission d’un élu et de son conseil municipal est de créer ou préserver un espace où les citoyens peuvent vivre ensemble de manière harmonieuse. Si le maire et son équipe sont donc responsables de fournir aux habitants de la commune des services élémentaires comme l’eau, l’électricité, des routes, des écoles et des hôpitaux, ils doivent également assurer la sécurité du territoire.
Grâce à l’innovation technologique, la vidéoprotection — qui était au départ utilisée uniquement par la police municipale — a vu son spectre d’action s’élargir pour devenir un outil de prise de décision sur l’aménagement du territoire, à tel point que l’on utilise aujourd’hui le terme de vidéogestion.
Dans cet article, nous nous intéressons aux nouveaux usages de la vidéo, portés par cette révolution technologique, avec leurs enjeux éthiques qui nous font passer progressivement de la « safe city » à la « smart city ».
Vidéoprotection et analyse d’images : de quoi parle-t-on ?
L’avènement de l’intelligence artificielle a révolutionné les activités de vidéosurveillance et de vidéoprotection. Le changement majeur réside dans la capacité à analyser les données vidéos collectées à l’aide d’algorithmes. Ainsi, la simple captation et le stockage des flux vidéo ne représentent qu’une fraction des services offerts par les dispositifs de vidéosurveillance actuels.
Désormais, des caméras dites intelligentes ou augmentées transcendent leur rôle traditionnel de sentinelles en redéfinissant la prévention des risques. Elles permettent une analyse et une interprétation en temps réel des images capturées, favorisant une amélioration proactive de la sécurité urbaine.
Que changent les caméras intelligentes ?
Le réseau de caméras installé dans une commune offre désormais des solutions concrètes aux enjeux d’une collectivité, allant au-delà de l’aspect répressif ou sécuritaire.
Grâce à ces technologies de pointe, les caméras intelligentes sont capables de détecter automatiquement des comportements suspects, des objets abandonnés ou des mouvements anormaux, ce qui assure une alerte rapide des autorités compétentes en cas de situation potentiellement dangereuse.
De plus, l’analyse avancée des flux vidéo permet d’identifier des tendances, d’optimiser les ressources de sécurité et de prendre des décisions éclairées pour améliorer la planification urbaine.
La vidéosurveillance à l’heure du Big Data
Outre la prévention et l’enregistrement d’infractions, la vidéoprotection bénéficie de l’analyse à grande échelle d’énormes masses de données, ce qui permet la mise en œuvre de processus préconfigurés.
Désormais, il n’est plus nécessaire de rester scotché devant un écran pendant des heures, car des algorithmes peuvent alerter en cas de besoin en fonction de paramètres renseignés dans le système. Ainsi, une partie des policiers ou agents municipaux peuvent être redéployés sur le terrain pour effectuer des missions de prévention et d’assistance à la population, étant informés en temps réel, 24h/24, des potentielles infractions.
Parmi les nouveaux usages de la vidéoprotection figurent désormais :
- L’identification de véhicules stationnant illégalement ou circulant à contresens ;
- Le repérage de personnes jetant des déchets sur la voie publique de manière répétée ;
- La détection en temps réel d’incivilités telles que les graffitis ou les rodéos sauvages.
Les caméras augmentées sont également d’excellents outils d’aide à la décision pour la politique publique, appuyées par des données concrètes, comme dans les cas suivants :
- Justification ou affinement du tracé d’une piste cyclable en comptabilisant le nombre de cyclistes et en suivant les itinéraires les plus empruntés ;
- Déclenchement de la maintenance préventive d’une chaussée en détectant des nids de poule ou des manœuvres d’évitement de la part des usagers ;
- Décision de la mise en place d’un dos d’âne supplémentaire à l’approche d’une école en analysant le trafic sur une période prolongée ;
- Surveillance des intrusions de personnes non autorisées dans les bâtiments communaux.
Cadre légal : les caméras intelligentes réservées à un usage statistique
Le recours à la vidéoprotection associée à l’intelligence artificielle (IA) soulève des enjeux juridiques et suscite des craintes légitimes chez de nombreux citoyens qui craignent une dérive vers un contrôle généralisé de l’espace public.
Cette inquiétude vient notamment du fait que, grâce à l’IA, le traitement automatisé d’images et de flux vidéo permet aujourd’hui de déduire certaines informations personnelles sur les personnes filmées. Concrètement, la fréquentation répétée de certains lieux, un vêtement, voire une démarche rendent possible l’identification d’un individu en particulier.
Quelles sont les recommandations de la CNIL ?
En France, la CNIL, l’autorité de protection des données personnelles, a publié un avis sur la question de manière à encadrer les usages de la vidéosurveillance. Certains usages des caméras intelligentes sont reconnus comme légitimes, notamment :
- Les dispositifs de comptage des piétons, voitures et cyclistes sur la voie publique afin de l’aménager ;
- L’adaptation des capacités de transports en commun selon leur fréquentation ;
- L’analyse de la fréquentation et de l’occupation d’un bâtiment pour en adapter la consommation énergétique.
Que dit le législateur ?
Plus encore, la CNIL veut se montrer ferme face aux abus potentiels et précise qu’à ce jour, la loi française n’est dotée d’aucun texte qui autorise l’usage de la vidéosurveillance pour la détection et la poursuite d’infractions.
La CNIL rappelle également que « l’utilisation de la vidéosurveillance doit être proportionnée au but recherché et que les images collectées doivent être supprimées dès qu’elles ne sont plus nécessaires ». Elle met en garde contre les risques de dérives, tels que la surveillance à outrance ou la collecte de données à caractère personnel sans le consentement des personnes concernées.
En définitive, seul le déploiement d’un dispositif de caméras de surveillance ayant pour objectif la production de statistiques anonymes est en réalité autorisé. La vidéosurveillance et ses avancées technologiques sont donc à manier avec précaution par les élus pour respecter l’éthique et la vie privée des citoyens.
La vidéosurveillance intelligente offre cependant des opportunités prometteuses pour la sécurité et la gestion des espaces publics et de nombreux usages sont encore à découvrir.
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