Interview exclusive : comment réduire la facture d’eau des collectivités

Mercredi 5 juin 2024

Chaque année, 20% de l’eau potable est perdue. Dans un contexte d’augmentation des périodes de stress hydrique, les réserves en eau sont de plus en plus souvent inférieures au besoin. Mis en place en mars 2023 par le gouvernement, le plan Eau fixe comment objectif aux collectivités de réduire de 10% leurs consommations d’ici 2030. Les collectivités font aujourd’hui face à un triple enjeu : réduire le gaspillage d’eau potable, atteindre l’objectif du plan Eau et maîtriser ses coûts.

Bertrand Blaise, directeur de la division Territoire connecté et durable So’Cities chez Sogetrel, s'est exprimé sur l'utilisation des solutions d'IoT pour réduire la facture d'eau. En tant qu’intégrateur de solutions connectées, la marque So’Cities, du groupe Sogetrel, accompagne les collectivités au quotidien dans la mise en œuvre de leurs projets de territoires connectés et durables. 

Interrogé par La lettre du Maire, découvrez à travers le témoignage de Bertrand Blaise les solutions mises en place pour améliorer le rendement des réseaux d'eau grâce à l’IoT et à la mutualisation ainsi que sur les possibilités pour les communes de réaliser des économies significatives. 

La lettre du Maire - n° 2310 - 19 mars 2024

Réduire la facture d’eau

20 % de l’eau qui arrive dans les canalisations sont perdus. Alors que la ressource devient rare et chère, lutter contre cette déperdition est une urgence pour les communes, grandes consommatrices d’eau (pour arro­ser leurs espaces verts ou alimenter leurs bâtiments). Des technologies permettent de mieux gérer la consom­mation d’eau. Blaise Bertrand, directeur de la division connectée durable « So’Cities » chez Sogetrel (groupe spécialisé dans les services aux infrastructures numé­riques et équipements connectés) nous éclaire.

 

Entretien.

La lettre du Maire : Le Grand Poitiers, qui assure la distribution de l’eau pour 40 communes, a constaté que le rendement de son réseau était de 78 % en 2015. Quelles solutions ont été mises en place pour y remé­dier ?

Bertrand Blaise : des capteurs ont été installés chez les particuliers et sur le réseau pour connaître de ma­nière centralisée la consommation d’eau. On pourrait faire un parallèle avec l’énergie. La France a connu une crise énergétique l’an dernier, avec la crainte de pannes pendant l’hiver. Le gouvernement a donc lancé des campagnes d’information pour inciter les citoyens à éteindre la lumière et plus généralement à consommer autrement. Mais ces actions ont été marginales. Ce qui a été déterminant, c’est la connaissance instantanée qu’a le particulier de sa consommation, ce qui lui per­met d’adapter ses usages et de faire des économies. Les compteurs Linky ont permis cela et on peut procéder de la même façon pour le réseau d’eau grâce à ces capteurs connectés, qui permettent aussi de détecter les fuites. Le travail sur le réseau est coûteux et le gain de temps obtenu génère des économies.

La lettre du Maire : la commune peut-elle obtenir les mêmes gains pour ses utilisations municipales de l’eau ?

Bertrand Blaise : oui grâce à des capteurs, la commune peut déve­lopper un arrosage intelligent, capteurs qui utilisent les données fournies par les organismes météorologiques, comme Météo France. Grâce à ces informations, l’arro­sage peut être adapté selon les prévisions. Mais cela va même plus loin : le capteur donne des informations sur l’humidité des sous-sols, ce qui a une action positive sur la biodiversité en permettant d’adapter les plantes, par exemple de les stresser hydriquement pour que leurs racines aillent plus profondément dans le sol, rédui­sant ainsi leurs besoins en eau.

La lettre du Maire : ces techniques sont-elles abordables pour une commune de taille modeste ?

Bertrand Blaise : il est difficile de raisonner ainsi. Tout d’abord, nos interlocuteurs sont plutôt des structures départemen­tales (département lui-même ou syndicat) ou des inter­communalités qui disposent normalement de moyens plus importants. Par ailleurs, quand la distribution de l’eau est déléguée à une entreprise, c’est elle qui est notre interlocutrice et qui répercute le coût de la pres­tation sur l’usager. Pour vous donner un exemple, la connaissance instantanée par l’usager de sa consom­mation grâce à des capteurs a un coût de 3 à 5 euros par habitant et par an. Ensuite, on peut affiner les prestations.

La lettre du Maire : ce que vous dites sur l’échelon départemental est intéressant. La collectivité avait mauvaise presse et quand l’Etat songe de manière périodique à supprimer un échelon, on pense toujours au département. Mais il a révélé son efficacité lors de la crise sanitaire et vous nous donnez donc un autre exemple d’utilité.

Bertrand Blaise : pour être précis, notre interlocuteur n’est pas forcément le département mais une structure dépar­tementale comme un syndicat. Pour le déploiement de la fibre optique, des syndicats départementaux se sont constitués afin de favoriser ce déploiement, puis, dans un second temps, de réfléchir à ses usages. Ils pro­posent donc des services mutualisés auxquels les com­munes choisissent d’adhérer ou pas.

La lettre du Maire : est-ce un élément de ce que l’on appelle la « smart city » ?

Bertrand Blaise : nous n’aimons pas utiliser cet anglicisme qui passe mal, notamment dans les zones rurales. Nous préférons parler de « territoire intelligent durable » ou de « territoire connecté durable ». Mais, en effet, c’est un élément de cette approche globale. On a souvent mis en avant, et à juste titre, l’exemple de l’aggloméra­tion de Dijon, mais les collectivités de plus petite taille peuvent y avoir accès en recourant à la mutualisation - on peut citer l’exemple d’Essonne numérique à l’échelle du département. Le maire d’une commune de moins de 5 000 habitants doit gérer des problèmes de plus en plus techniques, par exemple l’application du décret tertiaire (fixant des objectifs ambitieux en matière de réduction des consommations énergétiques dans l'immobilier à usage tertiaire), et il ne dispose pas d’un directeur des services informatiques capable de mettre en forme ses exigences. Sauf à être lui-même féru de nouvelles tech­nologies et à avoir le temps, il ne pourra pas suivre ces questions, alors il envisage la mutualisation.

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